Les mondes les plus différents

François Fillon : le moins pire d’entre eux

Autant Alain Juppé m’avait inspiré un vote d’adhésion lors de la primaire de la droite, autant le vote Fillon sera un vote par défaut, voire par dépit. Ce sera aussi un vote de raison, motivé par la volonté de faire barrage au duo infernal Le Pen-Mélenchon, et de favoriser l’émergence d’une majorité parlementaire à peu près cohérente. Par ROMAIN MILLARD

Le 27 novembre 2016, François Fillon remportait à la surprise générale la primaire ouverte de la droite et du centre avec 66,5 % des voix face à Alain Juppé. Triste pour mon candidat mais heureux pour ma famille politique sortie renforcée de ce succès démocratique incontesté, j’étais prêt, comme la plupart des partisans du maire de Bordeaux, à faire campagne pour le nouveau champion désigné par 3,5 millions d’électeurs.

Synthèse entre la sérénité d’Alain Juppé et la radicalité de Nicolas Sarkozy, François Fillon était promis à une victoire historique face à Marine Le Pen et aux socialistes. Son quinquennat devait être celui des réformes profondes, cohérentes et à marche forcée. En quelques semaines, en grande partie par sa propre faute, l’or s’est transformé en plomb.

Un François Fillon incohérent avec lui-même

Quelque soit le résultat de l’élection présidentielle, l’attitude du François Fillon candidat à la présidentielle aura été en rupture par rapport à celle du François Fillon superbement élu à la primaire.

Les « affaires » lui ont porté un coup terrible moins par leur gravité que par le fait qu’elles ont donné le sentiment aux électeurs, y compris fillonistes, d’avoir affaire à un homme qui serait le contraire de ce qu’il a prétendu être pendant des années.

Il s’est toujours présenté en homme à la moralité exemplaire qui retirerait sa candidature en cas de mise en examen. Pourtant, il a décidé de rester candidat malgré une mise en examen, provoquant le départ de son équipe de certains de ses plus proches collaborateurs, à commencer par Patrick Stefanini, son fidèle directeur de campagne.

Homme d’État raisonnable, il a toujours défendu les institutions et répugné à la démagogie. Malheureusement, il a choisi comme stratégie de défense de vitupérer sur les estrades contre les juges, les médias et autres cabinets noirs, avec des accents complotistes qui contribuent à radicaliser ses électeurs et à miner — durablement ? — leur confiance dans les institutions qu’il a toujours défendues.

Un Alain Juppé — trop ? — élégant dans la défaite

Difficile dans ces conditions de faire le deuil du « bonze de Bordeaux ». Depuis sa défaite à la primaire, Alain Juppé a montré deux qualités qui ont fait défaut à François Fillon : la lucidité et la loyauté.

La lucidité : lors de sa dernière allocution du 6 mars 2017 au cours de laquelle il confirmait son refus d’être un « plan B », Alain Juppé a fait le diagnostic de sa propre situation sans aucune complaisance. Il a reconnu être incapable d’incarner les deux grandes aspirations d’une majorité des citoyens : le renouvellement générationnel, et l’absence de mise en cause judiciaire.

La loyauté vis-à-vis de sa famille politique : il s’était engagé à soutenir le vainqueur de la primaire, et il a réaffirmé plusieurs fois son soutien à François Fillon. De plus, lorsque la question du remplacement de François Fillon s’était sérieusement posée au début du mois de mars, Alain Juppé a refusé de forcer son destin au prix de compromissions indignes et d’un déchirement irrémédiable de sa famille politique.

Si la conduite du maire de Bordeaux l’honore, elle n’est guère de nature à inciter ses anciens soutiens à voter pour François Fillon au premier tour de la présidentielle. Malgré tout, c’est son nom qui figurera sur l’un des onze bulletins de vote. Si la perspective de voter pour lui n’est guère enthousiasmante, la perspective de la victoire d’un autre candidat est pire encore.

Avec Le Pen et Mélenchon, l’assurance de la ruine.
Avec Macron, l’assurance de rien.

Au vu des circonstances, quatre candidats apparaissent aux électeurs comme susceptibles d’arracher la victoire : Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron et François Fillon.

Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon partagent le même logiciel politique qui a déjà fait le succès des souverainistes pro-Brexit et de Donald Trump : la simplification à outrance de la réalité, un programme économique irréaliste, et surtout la défense d’un « peuple » bon et homogène contre des maux extérieurs clairement identifiés (l’Union Européenne, les étrangers, les riches, les mondialistes, les médias…). Leur victoire augmenterait les difficultés économiques des plus fragiles, accentuerait les risques sécuritaires, et achèverait d’ôter à la France toute influence réelle dans le concert des Nations.

Emmanuel Macron est un candidat séduisant pour qui recherche un visage neuf, un discours pro-entrepreneur, pro-européen et une démarche de rassemblement au-delà des clivages. Cependant, un triple doute persiste sur la cohérence interne de son projet, sa capacité à tenir durablement le cap qu’il aura fixé, et la solidité de sa future majorité parlementaire. Sous François Hollande, ce triple doute s’est transformé en triple échec. Les mêmes causes pourraient, sous des formes différentes, reproduire les mêmes effets.

Reste donc François Fillon…

Reste donc François Fillon. S’il serait ridicule de le présenter comme le meilleur candidat possible pour la fonction présidentielle, il apparaît comme le moins pire des onze actuels. Ses choix économiques et diplomatiques sont globalement cohérents, certes discutables mais moins caricaturaux qu’on ne le dit. Sa conception de la société, moins conservatrice que ne le voudraient certains de ses propres soutiens, ne saurait déboucher sur de véritables remises en cause des droits des femmes ou des couples homosexuels sans une contestation massive au sein des modérés de son propre camp.

Enfin, il est le seul candidat qui peut raisonnablement espérer obtenir une majorité à l’issue des élections législatives des 11 et 18 juin prochains. Forts de leurs succès aux dernières élections locales, la droite et le centre partent avec un sérieux avantage structurel. Tout autre candidat risque de se retrouver paralysé par une Assemblée nationale ingouvernable, ce qui plongerait la France dans une crise politique inédite.

Pour toutes ces raisons, je me résoudrai à voter pour François Fillon, sans illusion sur les fragilités de sa candidature, sans complaisance pour ses errements, et avec la conviction qu’il n’aura de chance d’être un Président utile pour la France que s’il s’inspire de la ligne politique modérée et de l’éthique personnelle d’Alain Juppé.

Romain Millard

Élu municipal à Villebon-sur-Yvette (Essonne),
membre de Les Républicains, juriste

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