Les mondes les plus différents

Jean-Luc Mélenchon : l’homme d’État

Pourquoi je voterai dimanche, avec calme et raison, pour Jean-Luc Mélenchon. Par PAUL FRANÇOIS

Non, je n’ai pas la haine des riches, ni des élites. Ni d’aucun candidat d’ailleurs, Marine Le Pen y compris. Seulement un jugement réfléchi sur certains candidats, à commencer par Macron. Celui-ci n’est peut-être pas le candidat de la finance, mais il veut quand même retirer les actions de la base taxable de l’impôt sur la fortune. Or l’écrasante majorité de celles-ci ne contribuent pas à l’investissement productif, mais à la spéculation financière. Ce n’est donc pas le candidat de l’élite, mais ses propositions correspondent pile poil à ses intérêts particuliers

Pour Mélenchon, en revanche, la France est tout sauf une startup. C’est un corps politique avec une histoire, une culture. De vous à moi, ce serait le dernier à liquider le Louvre pour faire des économies. Et si le peuple français décide souverainement d’augmenter les impôts, ceux qui s’y soustrairaient en partant à l’étranger s’excluent eux-mêmes de la communauté nationale. Selon le mot d’Ernest Renan, quiconque veut être Français, ce qui suppose « avoir fait de grandes choses ensemble », mais surtout « vouloir en faire encore », le devient. Voilà pourquoi la proposition d’une assemblée constituante, convoquée après un référendum, est une proposition majeure.

La question centrale des institutions

Sauf à ne pas croire au suffrage universel et à la démocratie représentative, on peut difficilement s’opposer à la convocation d’une assemblée constituante. Tirés au sort, des citoyens de tous les replis de notre société discuteront – j’attire votre attention sur le fait que ces citoyens ne seront pas forcément de gauche – et reconstitueront le corps politique en incluant les derniers arrivés comme les Français d’immigration récente, là où l’Assemblée nationale est pauvrement représentative.

Si nous vivons en démocratie, alors tout citoyen doit pouvoir être chargé des affaires publiques. Les anciens parlementaires ne pourraient pas participer à cette assemblée, comme ce fut le cas à plusieurs reprises dans l’histoire. Quel gain de légitimité et de confiance pour la politique !

L’histoire de France depuis 1789 a été le faite de changements institutionnels, d’évolutions et de retours en arrière. Et poser la question des institutions ne peut qu’être bénéfique. Non que Mélenchon souhaite une République parlementaire instable et ingouvernable – il l’a dit lui-même -, mais réintroduire des contre-pouvoirs face au pouvoir présidentiel vaut la peine d’être discuté. Aujourd’hui, le président américain lui-même a moins de pouvoirs que le président français. Cela éviterait qu’un candidat puisse faire presqu’intégralement campagne sur le dialogue social et la social-démocratie, et autorise son Premier ministre à invoquer l’article 49-3 quelques temps plus tard.

Continuité française

Mais surtout, Mélenchon est le seul à s’inscrire intimement dans la continuité française. Sa position sur l’Europe et les relations internationales n’est pas différente de celle d’un Mitterrand ou d’un De Gaulle, deux hommes qu’il admire profondément. Mais vous avez tout à fait le droit de préférer Hollande et Sarkozy qui se sont engagés dans un rapprochement avec les États-Unis d’Amérique. Quelle aubaine maintenant qu’a été élu à sa tête Donald Trump !

Ceux qui refusent de discuter avec Poutine oublient qu’il n’y a pas beaucoup de pays dont les compositeurs intégraient du Français dans le texte de leurs opéras comme le faisait Tchaïkovski au XIXème siècle. On oublie que De Gaulle fut le premier chef d’État à reconnaître la Chine communiste. Un pays qui est, accessoirement, une des plus anciennes civilisations du monde.

Si presque tous les observateurs reconnaissent à Mélenchon sa haute maîtrise du verbe, c’est qu’il est probablement le seul homme de lettres de cette campagne. Un homme pénétré par les grands textes, qui lui donnent conscience qu’il y a d’autres valeurs dans ce monde que l’argent comme la poésie ou la subtilité.

Gravité

Mélenchon ne veut pas la guerre avec l’Allemagne. C’est en réalité tout le contraire. Il mesure l’acrimonie qui monte entre les peuples européens envers ceux qui tiennent les rennes, la France et l’Allemagne. Voilà pourquoi il faut prendre en compte les aspirations des pays de l’Europe du Sud qui n’ont pas les mêmes besoins que l’Allemagne par exemple.

J’en viens au « populisme » de notre homme, qui prétend combattre au nom du peuple contre les élites. On comprend que les élites économiques se sentent visées quand Mélenchon veut augmenter l’impôt sur les plus hauts revenus. Mais que veulent-ils ? Les dividendes versés aux actionnaires explosent, les rémunérations des patrons, y compris quand ils licencient, s’envolent, alors que le nombre de pauvres et de sans-abris dans la rue ne cesse de croître.

La solution est simple : il faut augmenter les impôts des plus riches pour redistribuer. Sans quoi la société française sera tellement inégalitaires que deux membres n’auront même plus de terrain d’entente pour discuter. Vivons-nous vraiment dans la même société ? Alors agissons ensemble. Oui, l’école, les services de santé ou la police sont gratuits, mais tout cela coûte.

Mélenchon est le seul candidat en meeting qui cherche à nous instruire en s’adressant à notre intelligence, sans flatter nos bas instincts. Enfin lorsque j’écoute Mélenchon réagir aux derniers développements de la campagne, je ne vois pas un simple tribun qui ne saurait rien faire que parler. Je vois un homme d’État.

Paul François

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