Les mondes les plus différents

Pour que la gauche survive sous Macron

Dimanche dernier, les résultats du 1er tour des élections législatives ont été sans appel pour la gauche. 111 député·e·s de gauche ont été éliminé·e·s dès le 1er tour. Le Parti socialiste et ses alliés peuvent espérer garder au mieux une trentaine de sièges. Du jamais vu sous la Vème République. Par ALICE RENAULT

Le 11 juin. Il y a une ironie dans cette date. Dans la mémoire des socialistes, elle renvoie au 11 juin 1971 et le début du congrès d’Epinay qui donna naissance au PS actuel. 47 ans après, les rêves d’unions de la gauche avec l’élaboration d’un programme commun semble loin. La plupart des dernières élections ont vu une désunion de la gauche qui l’ont trop souvent conduite à la défaite.

Un fiasco sans précédent

Les résultats de dimanche sont sans précédents sous la Vème République. La gauche sera à son plus bas niveau alors que l’élection présidentielle avait vu la montée en quatrième position de Jean-Luc Mélenchon. Il avait su ramener aux urnes, et vers la gauche, la jeunesse et les classes populaires qui s’en étaient éloignées ces dernières années.

À coté de cela, le PS a fait l’un de ses pires scores qui ne laissait rien prédire de bon pour les législatives. Face à la débâcle annoncée, il n’y a pas eu de ligne claire de la part du parti. La position vis-à-vis d’Emmanuel Macron n’a pas été tranchée et il ne fut pas rare de voir des candidat·e·s investi·e·s par le PS, avec son logo sur leur affiche, y ajouter la formule « Majorité présidentielle ». Cela ne fit que renforcer la brouille idéologique pour les citoyen·ne·s.

Il y a six mois, les sondages prédisaient un nombre de député·e·s socialistes du même ordre qu’en 1993, qui avait été l’une des plus grandes défaites du PS aux législatives. Aujourd’hui, espérer ne serait-ce qu’une cinquantaine de député·e·s est irréaliste. On se dirige plutôt vers une trentaine. Et parmi eux, combien vont soutenir la politique d’Emmanuel Macron ?

Même dans les bastions historiques de la gauche comme le Nord, la Bretagne ou encore la région toulousaine, le PS est balayé. Il est rayé de la carte dans le Nord-Pas-de-Calais. Partout il est remplacé par la République en Marche.

L’entente entre la France Insoumise de Mélenchon et le Parti communiste n’aura pas tenu. Ils sont partis divisés aux législatives et leur score par rapport à ce qu’ils avaient obtenu aux présidentielles est bien moindre.

Face à cela, la montée de la République en Marche est un nouvel élément du paysage politique à prendre en compte. Avec à peine un an d’existence, elle a chamboulé totalement la classe politique. Des novices en politique ont fait chuter des élu·e·s d’envergure nationale. Et bien souvent le simple fait de se présenter pour La République en Marche leur a donné de quoi faire des scores importants.

Mais face à cette défaite sans précédent, la gauche ne doit pas renier ses valeurs et ses idéaux. Il y a un monde nouveau à conquérir. Le PS est à la croisée des chemins.

Savoir se réinventer

Il peut basculer dans l’oubli comme le Pasok en Grèce, rongé par les affaires internes et des décennies de mauvaises pratiques, dépassé sur son aile gauche par Syriza. Mais il peut aussi rebondir et retrouver un nouvel élan, quitte à se réinventer totalement. Les Etats-Unis et l’Angleterre en sont les parfaits exemples. Bernie Sanders, a redonné espoir à la gauche et à la jeunesse.

De l’autre côté de la Manche, c’est Jeremy Corbyn, qui a sorti les travaillistes de leur état de délitement dans lequel le parti était plongé depuis si longtemps. Les modéré·e·s du Labour le disaient fini il y a quelque temps. Mais la campagne des législatives qu’il a menée a prouvé que la gauche britannique avait toujours son mot à dire.

Leur point commun, c’est d’avoir été intransigeant vis-à-vis des valeurs de gauche. C’est quand la gauche commence à revenir sur certains de ses acquis qu’elle ouvre la boîte de Pandore et qu’elle enclenche sa chute.

Mais la gauche française n’est pas morte. Elle est certes explosée, mais il lui reste de beaux jours devant elle. Elle doit se réinventer, renouer avec le monde syndical, associatif, la société civile. Elle s’est trop repliée sur elle-même, ce qui l’a sclérosée. Elle pouvait apparaître déconnectée de la réalité pour un grand nombre de citoyen·ne·s.

Jamais un Président de la République n’aura eu un parlement qui lui est autant acquis. Macron dispose d’une marge de manœuvre parlementaire suffisante pour faire passer sans opposition parlementaire l’ensemble de son programme. Face à la casse sociale qui s’annonce, notamment sur la réforme du code du travail, la gauche doit être à l’avant-garde du combat aux côtés des syndicats pour défendre les acquis sociaux.

La gauche doit dépasser ses anciens clivages pour se renouveler et continuer de peser dans le paysage français. Sans cela, elle risque au pire, de disparaître totalement ; au mieux, d’être inaudible. 

Alice Renault

Illustration : Rose fanée. | Libre de droits

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