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Présidentielle : où est passée l’écologie ?

Après trois heures trente de débat entre les onze candidat·e·s à la présidentielle ce mardi 4 avril, quasiment rien n’a été dit sur les enjeux environnementaux. Par ALICE RENAULT

Il y a tout juste dix ans, l’écologie avait pourtant été l’un des sujets majeurs de la campagne grâce notamment au Pacte écologique de Nicolas Hulot. La plupart des candidat·e·s l’avait signé. Puis il y eu le Grenelle Environnement sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte et la COP21 sous celle de François Hollande. Pourtant déjà en 2012, les questions environnementales avaient été mises de côté. Et dans la campagne actuelle, elles sont simplement absentes du débat comme si, en temps de crise, l’écologie ne pouvait pas avoir un impact sur la vie de nos concitoyen·ne·s et participer au redressement du pays.

Les candidat·e·s ont pour la plupart des propositions sur le sujet, mais elles ne sont que rarement évoquées, à l’exception de celles de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon. Ils ont fait de ce sujet un de leurs axes de campagne. Grâce à eux, tout le monde a entendu parler des perturbateurs endocriniens et du quinoa. Ils sont d’ailleurs les seuls avec Philippe Poutou à proposer une sortie à horizon 2050 du nucléaire. L’écologie est l’un des sujets majeurs de notre siècle confronté au dérèglement climatique. Elle doit être prise en compte dans notre modèle social et économique.

Quelques jours avant le débat du 4 avril, France Info et France Inter publiaient des documents sur les malfaçons de la cuve de l’EPR de Flamanville. L’Autorité de Sûreté Nucléaire avait alerté dès 2005 sur les risques des produits faits dans la forge du Creusot, où Areva a produit la cuve du réacteur de l’EPR après l’avoir rachetée.

Alors que la question de notre modèle énergétique est un vrai enjeu de développement, la plupart de nos centrales nucléaires ont été construites dans les années 70 et arrivent bientôt en fin de vie.

Point de bascule

La question de continuer ou non la diminution de la part du nucléaire dans notre bouquet énergétique ne semble pas passionner. Nous sommes pourtant à un point de bascule : soit nous enclenchons le « grand carénage », qui correspond à l’ensemble des travaux nécessaire pour augmenter la durée d’usage des centrales nucléaires ; soit nous continuons la diminution de la part du nucléaire et augmentons celle des énergies renouvelables.

L’hypothèse d’ouvrir des centrales thermiques, qui utilisent comme carburant du fioul, du gaz ou du charbon n’étant plus d’actualité au vu de leur impact sur les émissions de CO2, il ne reste que ces deux possibilités.

En effet, si le renforcement de l’isolation thermique est mis en place comme la plupart des candidat·e·s le propose, il faudra néanmoins choisir entre garder notre parc nucléaire actuel et augmenter la part des énergies renouvelables.

Une augmentation de l’isolation thermique entraînerait une baisse de la demande en énergie. Donc mécaniquement, si nous augmentons la part du renouvelable, cela entraîne une baisse de la part du nucléaire. Mais à lire les propositions de certain·e·s candidat·e·s, cette logique n’est pas toujours suivie. Celles et ceux qui promettent de garder la capacité du parc nucléaire actuel tout en augmentant les énergies renouvelables, sont dans une étrange équation.

Emplois non délocalisables

L’idée que l’environnement serait un sujet de « bobo » perdure. Pour trop de monde, il reste un enjeu que l’on traite quand l’économie va bien et est secondaire en temps de crise. La prise en compte de ces enjeux est pourtant nécessaire à l’évolution de notre société. Que ce soit sur l’énergie produite et consommée, sur la production agricole, le transport, sur l’habitat, notre modèle écologique a des effets sur le quotidien de l’ensemble de nos citoyen·ne·s.

Des modes de production agricoles plus localisés et respectueux de l’environnement entraîneraient un gain pour l’économie réelle. Ils permettraient également de réduire la production de gaz à effet de serre dans le domaine du transport. C’est un cercle vertueux qui doit se mettre en place. L’écologie a été trop souvent montrée sous son angle punitif alors qu’elle est une vrai source d’emploi qui pour une grande partie sont non délocalisables.

Les enjeux environnementaux ont également un impact sur la santé. La pollution de l’air, de plus en plus prise en compte, illustre les conséquences de notre modèle économique. Le refus de prendre en considération l’impact de certaines productions nous conduit droit dans le mur. L’industrie automobile française a favorisé la production de voitures au diesel. Or aujourd’hui, nous nous rendons compte que les moteurs diesel sont une source importante de particules fines qui altèrent grandement la santé. La sortie de la production de voitures diesel modifiera l’emploi dans ce secteur. Pendant trop longtemps, la diminution de la part des voitures diesel, avec une fiscalité moins avantageuse pour elles, n’a pas été mise en place pour des raisons économiques. Il y avait des emplois à préserver dans ce secteur industriel.

À invoquer sans cesse les raisons économiques, nous pouvons continuer longtemps la course en avant et oublier qu’il y a un enjeu de santé publique. À repousser le problème, il y a un moment où il faudra nécessairement le résoudre. Hélas, plus nous attendons, plus les conséquences sur l’économie et l’emploi seront importantes. L’écologie et l’économie doivent être vues comme deux éléments à conjuguer ensemble. Il ne faut pas chercher qui a le prima sur l’autre.

L’écologie, enjeu majeur qui irrigue notre développement économique, social, industriel. Son absence marque pour beaucoup de candidat·e le refus de proposer un projet alternatif avec un vrai changement de modèle de société.

Alice Renault

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