Le président américain Donald Trump a confirmé une fois de plus son incompétence et son ignorance en termes de dossiers économiques. Le 21 avril dernier, celui-ci a ordonné la révision des réformes adoptées après la crise de 2008 pour se prémunir d’une nouvelle crise financière. Par GUILLAUME KREMER
Pour comprendre en quoi il s’agit de quelque chose d’irréfléchi, il faut retracer l’histoire de ces réformes. En 2008, les Etats-Unis ont été frappés de plein fouet par ce que l’on appelle la crise des subprimes. Celle-ci a été la conséquence d’un cercle vicieux dont le maillon faible a été une régulation bancaire beaucoup trop laxiste. Les banques américaines ont facilité l’accès à la propriété pour de nombreux ménages aux revenus modestes en leur proposant des prêts immobiliers risqués.
Or, un prêt n’est jamais gratuit. Ceux qui les contractent doivent rembourser des intérêts, mais également fournir un apport propre afin de donner des garanties à la banque. Dans le cas de ces prêts subprimes, il s’agissait de l’hypothèque placée sur la maison qui avait été achetée grâce à l’emprunt. Qui plus est, les banques ont assuré leurs arrières en pratiquant massivement la titrisation.
La titrisation ?
C’est une technique financière qui consiste à regrouper plusieurs crédits en un même contrat. Dans le cas des subprimes, les banques américaines combinaient ainsi des prêts risqués avec des actifs sûrs afin de donner l’illusion qu’il n’y avait aucun risque, trompant ainsi la vigilance des autorités de régulation.
Les créances combinées étaient réparties sur le territoire des Etats-Unis afin d’étaler les risques plutôt que de les concentrer sur une seule et même zone. Il semblait en effet improbable que ces ménages aux revenus modestes se mettent à faire défaut sur leur dette tous en même temps, partout dans le pays. Après avoir reconditionné ces créances, les banques s’en débarrassaient alors en les échangeant à d’autres banques, à des fonds de pension ou à des fonds d’investissements.
Tant que les taux d’intérêts restaient suffisamment faibles pour que ces ménages puissent continuer à rembourser leurs mensualités, et tant que les prix de l’immobilier restaient suffisamment élevés pour assurer ces prêts, le système restait pérenne.
Or, entre 2004 et 2005, la Réserve fédérale des Etats-Unis a progressivement relevé son taux directeur de 1 à 5,25 %, entrainant une hausse des taux bancaires (et donc des mensualités à rembourser). De plus, les prix de l’immobilier ont commencé à chuter à partir de 2006 (la valeur du marché immobilier a chuté de 20 % environ durant les 18 derniers mois ayant précédé la crise). Les emprunteurs se sont alors retrouvés face à une hausse rapide des intérêts à rembourser. Les plus fragiles d’entre eux n’ont pas pu payer leur dette. Mais à cause de la chute des prix de l’immobilier, leur maison hypothéquée ne suffisait pas à rembourser le reste du prêt. Ils ont alors fait défaut, entraînant des pertes importantes pour les banques. Certaines d’entre elles se sont alors retrouvées à leur tour en grande difficulté.
La défiance s’est alors installée au sein du système bancaire. Il était devenu impossible de donner une valeur aux créances titrisées. Les relations entre banques se sont alors figées et celles en difficulté n’ont pas réussi à obtenir des financements de la part des autres, provoquant rapidement un effondrement du système. Cette crise financière américaine s’est alors transmise aux autres pays du monde avant de se généraliser en crise économique (dont nous peinons encore aujourd’hui à sortir).
Le danger de la dérégulation
Pour résumer donc, une bonne partie des problèmes économiques auxquels nous faisons face depuis 2008 sont dus à un problème de régulation du secteur financier. C’est pour cela qu’ont été mises en place plusieurs réformes visant à renforcer le système bancaire, notamment les accords internationaux de Bâle III ainsi que la loi Dodd-Frank pour ce qui est du cas spécifique des Etats-Unis. Ces réformes imposent aux banques de détenir plus d’actifs sains et plus de fonds propres afin d’éviter des problèmes de financement en cas de nouveaux défauts.
Or, Donald Trump juge que ces mesures de régulation sont inutiles et constituent une entrave à la croissance de son pays. Aussi a-t-il signé le 21 avril dernier une série de décrets amorçant le démantèlement de la loi Dodd-Frank. Certes, cette loi obligeait les banques à se montrer plus vigilantes dans l’octroi de prêts, ce qui est susceptible de freiner la consommation et donc la croissance.
Mais dans un pays qui enregistre des taux de croissance aux alentours de 2,5 % depuis 2010 et un taux de chômage proche du plein emploi (4,7 % fin 2016), on est en droit de se demander si risquer une nouvelle crise financière est bien nécessaire.
Guillaume Kremer
Photo : Portrait officiel du président Donald Trump.
fab
samedi 6 mai 2017 11 h 46 min
Tous très intéressants les articles. Et très fière de lire les tiens. F. Kremer