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La PMA, une avancée pour toutes

Après avoir été promise par François Hollande puis repoussé, la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes semble avancer, avec l’avis favorable rendu mardi par le Comité Consultatif National d’Éthique. Mais tout n’est réglé et il reste plusieurs zones d’ombres. Par ALICE RENAULT

La première PMA en France, fut sous forme de fécondation in vitro en 1982. En 1994, les premières lois bioéthiques limitent la PMA aux femmes mariées et en âge de procréer. En 2004, lors de la révision des lois de bioéthique l’accès à la PMA est étendu aux femmes en couple hétérosexuels non mariés.

En 2013, après avoir annoncé que la question de l’ouverture de la PMA pour toutes serait dans la grande loi Famille qui devait faire suite à celle du mariage pour tous, le gouvernement saisi le CCNE pour avoir son avis sur le sujet. Cette grande loi Famille ne verra jamais le jour.

Lors de la campagne présidentielle de 2017, plusieurs candidats s’étaient dit favorables à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Emmanuel Macron acceptait l’idée mais voulait attendre l’avis du CCNE pour ne pas donner l’impression de passer en force et pour avoir un débat plus apaisé.

Hypocrisie

La PMA est aujourd’hui autorisée pour les couples hétérosexuels en France en âge de procréer et qui justifient d’au moins deux ans de vie commune. Elle est possible pour les couples où l’infertilité a été médicalement prouvée pour au moins l’un des membres, ou lorsque l’un des membres est porteur d’une maladie grave, susceptible d’être transmise au conjoint ou à l’enfant. Elle est prise en charge à 100 % par la sécurité sociale, jusqu’à un certain âge.

En Europe, la PMA pour les couples lesbiens est autorisée en Belgique, en Espagne, aux Pays-Bas, en Suède et au Danemark. Les Françaises qui ont recours à la PMA à l’étranger vont principalement en Belgique et en Espagne.

On interdit la PMA en France, mais on laisse les couples lesbiens ou les femmes seules à aller en Belgique ou ailleurs. Cette situation est d’une grande hypocrisie. Elle entraîne une inégalité financière pour les femmes qui ne peuvent pas avoir recours à la PMA en France. Il y a celles qui ont les moyens financiers de faire une PMA à l’étranger avec toutes les contraintes que cela engendre et celles qui n’en ont pas les moyens. Ce n’est pas sans rappeler la situation de l’avortement en France avant la loi Veil.

La PMA en soi est dans bien des cas un parcours compliqué. Il est aisé d’imaginer le parcours du combattant qu’il est pour des couples lesbiens qui doivent aller à l’étranger.

Une fois que l’enfant est né.e à l’étranger, pour les couples lesbiens, la filiation entre la mère biologique et la mère sociale, n’est pas automatique. Il y a tout une procédure à suivre et le couple doit être marié pour que la procédure aboutisse.

Une évolution à suivre qui s’annonce compliquée

Maintenant il reste à traduire cela dans la loi. Et cela risque encore d’être long et la Manif pour tous et leurs soutiens sont prêts à redescendre dans la rue pour empêcher cette avancée sociétale.

Plusieurs questions restent en suspens dans la décision du CCNE. La question de la prise en charge par l’assurance-maladie pour toutes les femmes et pas seulement les couples infertiles hétérosexuels n’a pas été tranchée. Cela est inquiétant, car il y a un risque d’inégalité dans l’accès à la PMA en fonction de son orientation sexuelle.

La question de la filiation automatique entre la mère biologique et la mère « sociale » pour les couples lesbiens reste sans réponse.

L’idée que l’adoption de la PMA pour toutes puisse passer par la révision de la loi de bioéthique est plus qu’étrange et dégradant pour les personnes concernées. Comme si le courage pour faire passer la PMA pour toutes par la loi était trop difficile à faire. Hormis la question de la congélation des ovocytes, les autres questions soulevées ne relèvent pas de la bioéthique en tant que telle.

Que fera le gouvernement si la Manif pour tous redescend dans la rue ? Car au vu des premières réactions, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux, il est sûr que les opposant.e.s au mariage pour tous seront là pour s’opposer à la PMA pour toutes. Ce qu’il y a de toujours étonnant avec ces opposant.e.s, c’est de les voir manifester pour empêcher d’autres personnes d’avoir des droits alors que pour elles et eux, cela ne leur change rien. Elles et ils ne perdent pas de droit. Il est étrange de les entendre dire que l’homosexualité ou qu’un enfant élevé par deux mamans est contre nature. Mais on ne les voit pas manifester contre l’usage des pacemakers, qui ne sont pas en soi des outils naturels pour l’être humain.

Derrière toute cette rhétorique de l’acte « contre nature », il y a le refus de la différence, d’accepter que son modèle de famille n’est pas le modèle universel et qu’il n’y a pas un type mais une multiplicité de familles.

Autoriser la PMA pour toutes s’inscrit dans la logique de la visibilisation plus grande des familles homoparentales, et qu’elles peuvent tout à fait élever des enfants comme n’importe quelle famille. C’est aussi un moyen de lutter contre l’homophobie latente d’une partie de notre société.

Emmanuel Macon avait indiqué qu’il était favorable à la PMA pour toutes à titre personnel lors de la campagne présidentielle mais qu’il attendrait l’avis du CCNE pour légiférer, s’il était élu. Maintenant que c’est chose faite, place aux actes !

Alice Renault

Illustration : Marche des fiertés à Paris le samedi 24 juin 2017. | Photo Yann Schreiber

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