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« Premiers mois d’Emmanuel Macron : attention à la gronde sociale »

Plus l’été avance, plus le gouvernement annonce des mesures explosives. La question est de savoir où il s’arrêtera. Par ALICE RENAULT

Voilà plus de deux mois qu’Emmanuel Macron a été élu président de la République et déjà une gronde sociale se prépare. Bien sûr, la nouvelle loi Travail était annoncée dès le début pour être abordée dès l’été, mais beaucoup d’annonce n’étaient pas forcément attendues si tôt, voire pas attendues du tout. Le président et son gouvernement se retrouvent désormais avec de nombreux fronts ouverts.

Les premiers renoncements

Macron se voulait un président moderne avec un gouvernement irréprochable. Mais cela n’a pas tenu bien longtemps. Les soupçons d’emplois fictifs des attachés parlementaires du Modem au Parlement européen auront eu raison de François Bayrou et de Marielle de Sarnez. Pour Richard Ferrand, il fut pris dans la tourmente d’une opération immobilière florissante plus qu’étrange et des attachés parlementaires non déclarés. Mais cela n’a apparemment pas été important pour ses électeurs et électrices qui l’ont réélu comme député en juin dernier. Et il s’est vu confier la gestion du groupe La République en Marche à l’Assemblée nationale. François Bayrou est redevenu maire de Pau et Marielle de Sarnez a été elle aussi élue députée.

Macron voulait être également un président féministe. Il avait promis lors de la campagne que si une femme avait les compétences et les critères d’expériences, il la nommerait première ministre. Apparemment, aucune femme politique n’a ces compétences… Le ministère plein et entier des droits des femmes n’a pas été créé. À la place, il y a un secrétariat d’État en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes qui vient de voir son budget, déjà faible, diminuer d’un quart.

La République en Marche fit entrer un grand nombre de députées dans la nouvelle assemblée, mais très peu occupent ont des postes à responsabilité. Quasiment tous les postes importants de l’Assemblée sont pourvus par des hommes. Et comme pour la première ministre, aucune femme ne devait avoir les compétences pour être présidente de l’Assemblée nationale… Les paroles sont faciles à dire mais les actes sont plus compliqués à faire.

Les premières cibles

La primaire de la droite avait ouvert la voie aux attaques systématiques à l’encontre de la Fonction publique. Macron, promettant de supprimer 120 000 postes était dans la même ligne, bien qu’elle puisse paraître moins brutale que les 500 000 suppressions promises par Fillon. Mais une fois élu, il a dépassé sa promesse en annonçant la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires. Et le gel du point d’indice pour 2018 est revenu sur la table. Ce point d’indice n’avait été modifié que depuis juillet 2016 et il était gelé entre 2010 et 2016.

Après cela, arrive le moment de la crise avec l’armée qui s’achève pour l’instant par la démission du chef d’État-major des armées Pierre de Villiers. L’annonce de la coupe de 850 millions d’euros dans le budget 2017 de la défense a poussé sa démission. Les chefs de la Grande Muette n’ayant pas l’habitude de réagir ainsi publiquement, cet épisode est particulièrement révélateur de désaccords profonds avec le gouvernement.

Une autre annonce passé, elle, un peu inaperçue, est celle faite par le ministre de l’Education nationale, dans la presse régionale, d’un possible gel des recrutements des enseignants dès 2018. Et une baisse de 75 millions d’euros sur le budget rectificatif de 2017. La recherche et l’enseignement supérieur ont vu leur budget prévisionnel être également diminué. Une baisse de 331 millions d’euro a été annoncée. Macron voulait faire de la France une terre d’accueil pour tous les scientifiques qui voudraient quitter les Etats-Unis de Trump, mais dans ces conditions, cela va s’avérer compliqué. Là encore entre les paroles et les actes, il y a un fossé.

Et en fin de semaine dernière, l’annonce de la diminution de cinq euros des APL pour la rentrée est arrivée. 5 €, la somme peu paraître dérisoire mais pour les personnes qui touchent les APL, cela signifie devoir trop souvent se priver pour finir le mois. Avec la baisse des APL, Macron s’attaque directement aux plus précaires. Et dans le même temps, l’ISF devrait être baissé. Les efforts pour arriver à un budget à l’équilibre ne sont pas forcément demandés à tous le monde ni à celles et ceux à qui on pourrait s’attendre.

Plus l’été avance, plus les mesures explosives sont annoncées. La question de savoir jusqu’où le gouvernement s’arrêtera se pose. La fonction publique, l’armée, l’enseignement, l’université, les acquis sociaux, les droits des femmes sont autant de sujet qui cristallisent déjà une partie du pays.

Reste à voir comment il gérera la rentrée qui s’annonce tendue. Il a ouvert un grand nombre de fronts et la convergence de certaines luttes pourrait être plus que déstabilisante pour lui. Premier test le 12 septembre dans la rue. 

Alice Renault

Illustration : Le président Emmanuel Macron et son premier ministre Edouard Philippe, le 14 juillet 2017 à Paris. | Photo Comité d’Etat-major américain (domaine public)

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