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« Les revers de la suppression des cotisations salariales par Macron »

Pour redonner du pouvoir d’achat aux salariés, Emmanuel Macron s’est engagé à supprimer les cotisations maladie et chômage payées par les salariés, et à compenser cette mesure par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG). Le gouvernement devrait plutôt utiliser un levier plus efficace et plus équitable : la « TVA compétitivité », qui présente trois avantages. Par ROMAIN MILLARD

La suppression des cotisations maladie et chômage payées par les salariés représenterait pour l’État un manque à gagner d’environ 20 milliards d’euros. Le président de la République s’étant engagé auprès de nos partenaires européens à diminuer les déficits budgétaires, un tel manque à gagner devrait obligatoirement être compensé par de nouvelles recettes. C’est à cela que doit servir la hausse de la CSG.

Certes, les salariés seraient bénéficiaires de ces réformes puisque la hausse de la CSG serait plus que compensée par la suppression des cotisations salariales. Cependant, bien d’autres agents économiques verraient leur pouvoir d’achat diminuer : les retraités touchant plus de 1 200 euros par mois, ainsi que les fonctionnaires et les travailleurs indépendants qui ne paient pas de cotisation chômage et maladie.

Une telle concentration des efforts sur ces catégories apparait non seulement peu équitable mais également peu efficace sur le plan macro-économique : la suppression de ces cotisations salariales ne restaurera en rien la compétitivité des entreprises car ces dernières, sans baisse des cotisations patronales, continueront à verser le même salaire brut. Quant aux salariés, ils convertiront probablement ce gain de pouvoir d’achat soit en consommation de produits pour une large part importés, soit en épargne.

La « TVA compétitivité » : une mesure efficace, équitable et indolore

L’urgence du moment est moins d’augmenter les salaires nets – surtout dans le contexte actuel de stagnation globale des prix – que de réduire le chômage. Il faut pour cela appliquer une « politique de l’offre », c’est-à-dire diminuer la pression fiscale sur les entreprises pour augmenter leurs marges et les mettre ainsi en capacité de créer des emplois. Emmanuel Macron a lui-même défendu cette stratégie pendant sa campagne. Encore doit-il l’appliquer.

Pour financer les baisses de charges sociales payées par les entreprises, le gouvernement devrait utiliser le levier de la « TVA compétitivité », en augmentant le taux normal de 20 % de quelques points sur plusieurs années, tout en préservant au même niveau le taux intermédiaire de 10 % et le taux réduit de 5,5 % sur les produits de première nécessité.

Présente dans les programmes d’Alain Juppé et François Fillon, cette mesure a été lâchement abandonnée par la droite à partir des élections législatives non pour des raisons économiques, mais par pur calcul électoraliste. Or, elle présente trois avantages majeurs par rapport à une hausse de la CSG.

  1. Elle est plus « efficace » : la TVA rapporte au budget de l’État 200 milliards d’euros, soit plus du double des recettes de la CSG. Augmenter le taux normal d’un seul point rapporterait à l’État sept milliards d’euros supplémentaires.
  2. Elle est plus « équitable » : d’une part, en limitant la hausse de la TVA au seul taux normal de 20 %, on touche des produits « non-vitaux » (alcools, cigarettes, multimédias…) et on exonère des activités non délocalisables taxées à 10 % (construction, restauration), et les produits de première nécessité taxés à 5,5 % qui constituent le cœur de la consommation des plus modestes. D’autre part, on fait contribuer les entreprises étrangères qui importent en France, dont une grande partie des produits sont assujettis à la TVA à 20 %.
  3. L’effort est plus « indolore » : une hausse minime du taux normal de TVA n’engendre en réalité aucune perte de pouvoir d’achat pour les consommateurs, les entreprises en concurrence répercutant cette hausse davantage sur leurs marges que sur leurs prix. On l’a vu en Allemagne : une hausse brutale de trois points de TVA n’a été accompagnée d’une augmentation des prix que de 1 %. On l’a vu en France : malgré la hausse de la TVA d’un point en 2014, le taux d’inflation a été de 0 % l’année suivante.

Une hausse du taux normal d’un point par an pendant cinq ans, et une répartition de la baisse des charges de deux tiers sur les cotisations patronales, et d’un tiers sur les cotisations salariales, permettraient d’effacer notre retard de compétitivité en matière de coût du travail vis-à-vis de l’Allemagne, de redonner du pouvoir d’achat aux salariés, le tout sans baisse de pouvoir d’achat pour les non-salariés.

Édouard Philippe serait bien inspiré de plaider auprès du président pour cette stratégie, défendue par son ancien mentor Alain Juppé. Quant à la droite, plutôt que de pousser contre le gouvernement des cris d’orfraie sans rien proposer de concret, elle devrait assumer à nouveau cette proposition, préférable à la « CSG Macron » tant économiquement que politiquement. 

Romain Millard

Juriste, élu municipal à Villebon-sur-Yvette (Essonne),
membre de Les Républicains

Illustration : Photo d’illustration | Libre de droit

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